Vivian Maier : Est-il légitime d’exploiter son œuvre après sa mort ?

La découverte du travail de Vivian Maier est l’une des plus fascinantes histoires de l’histoire récente de la photographie. Ses clichés, restés dans l’ombre de son vivant, sont devenus mondialement célèbres grâce à l’implication de John Maloof, qui a découvert et mis en lumière son œuvre après sa mort. Mais cette reconnaissance posthume soulève des questions complexes : est-il légitime d’exploiter l’œuvre d’un artiste qui n’a jamais cherché à la montrer ? Peut-on parler de valorisation ou s’agit-il d’une appropriation injuste ? Revenons sur cette histoire captivante et les enjeux qu’elle soulève.

L’histoire de Vivian Maier et de la découverte de son œuvre

Vivian Maier était une photographe amateur et une nounou américaine qui, durant des décennies, a photographié des scènes de rue, des portraits, et des paysages urbains à travers les États-Unis. Malgré une production massive de plus de 100 000 clichés, la grande majorité de ses photographies est restée cachée et, dans de nombreux cas, même pas développée.

En 2007, plusieurs cartons contenant ses négatifs et tirages sont vendus aux enchères à Chicago, suite au non-paiement de son espace de stockage. C’est dans ce contexte que John Maloof, un jeune amateur d’histoire, achète une grande partie de ce fonds photographique, ignorant alors la richesse artistique qu’il contenait. En explorant les négatifs, il découvre le talent exceptionnel de Vivian Maier, déclenchant un mouvement global pour la faire connaître. Maloof commence à faire développer les pellicules, organiser des expositions, réaliser un documentaire (Finding Vivian Maier), et vendre des tirages.

Le débat juridique : les zones d’ombre des droits d’auteur

La légalité de l’exploitation des œuvres de Vivian Maier repose sur plusieurs points délicats. En principe, le droit d’auteur protège les œuvres pendant 70 ans après la mort de leur créateur. Cependant, dans le cas de Maier, aucun héritier direct ou ayant-droit n’a été identifié pendant plusieurs années, compliquant la situation juridique.

Les points clés du débat juridique :

  • Absence de testament : Vivian Maier n’a pas laissé de directives concernant son œuvre photographique.
  • Identité des ayant-droits : Après des recherches, deux cousins éloignés vivant en France ont été identifiés comme ses héritiers légaux. Mais cette reconnaissance est intervenue après que John Maloof a commencé à exploiter ses photos.
  • Droit de divulgation : Un artiste a normalement le droit de décider si son œuvre peut être rendue publique. Dans le cas de Vivian Maier, elle n’a pas manifesté l’intention explicite de publier ses clichés.

Ces zones d’ombre ont permis à Maloof et à d’autres propriétaires de négatifs de commercialiser les œuvres de Maier, mais cela pose la question de la légitimité morale.

Le débat éthique : valorisation ou appropriation ?

Les arguments en faveur de l’exploitation de son œuvre :

  • Une reconnaissance méritée : Sans l’intervention de Maloof, les photographies de Vivian Maier auraient probablement été détruites ou oubliées. La diffusion de son travail permet de valoriser son talent et de lui offrir une place dans l’histoire de la photographie.
  • Un impact culturel : Son œuvre a inspiré de nombreux photographes contemporains et amateurs. Elle a également élargi la compréhension de la photographie de rue et des femmes dans l’histoire de l’art.

Les arguments contre :

  • Respect de la vie privée : Vivian Maier était connue pour son caractère réservé. Peut-être n’aurait-elle jamais voulu que ses photographies soient exposées ou commercialisées.
  • Enrichissement des tiers : Maloof et d’autres acteurs commerciaux ont généré d’importants revenus à partir du travail de Maier, sans son consentement ni celui de ses héritiers initiaux.

Des exemples similaires dans l’histoire de l’art

L’histoire de Vivian Maier n’est pas unique. D’autres artistes ou écrivains ont vu leur travail publié ou exploité après leur mort, souvent sans leur consentement.

  • Van Gogh : Ses lettres personnelles ont été publiées après sa mort, offrant des informations précieuses sur son processus artistique.
  • Emily Dickinson : La célèbre poétesse américaine a vu ses poèmes publiés à titre posthume, alors qu’elle ne les destinait pas nécessairement à un public.
  • Franz Kafka : Kafka avait demandé à son ami Max Brod de détruire ses manuscrits après sa mort. Brod a choisi de les publier, contre la volonté de Kafka, contribuant ainsi à son immense renommée.

Ces exemples montrent que l’exploitation posthume d’œuvres est un sujet récurrent dans l’histoire de l’art, mais toujours controversé.

L’impact culturel de la mise en lumière de Vivian Maier

Malgré les débats, il est indéniable que l’œuvre de Vivian Maier a eu un impact profond sur le monde de la photographie et de l’art. Ses clichés offrent une vision intime et brute de la vie urbaine au 20ᵉ siècle, et leur découverte a relancé l’intérêt pour la photographie de rue. Les expositions, livres, et documentaires autour de son travail ont permis à des millions de personnes de découvrir son talent.

Pour ma part, au delà du travail de Vivian Maier, cela m’a donné envie de tester le Rolleiflex, célèbre appareil qu’elle utilisait régulièrement. J’avais déjà expérimenté la prise de vue en moyen format à visée poitrine avec un Lomo Lubitel, sorte de Rolleiflex pour enfant très accessible financièrement. La coïncidence fait qu’après avoir vu le documentaire sur Vivian Maier au cinéma, un des membres du labo associatif que je fréquentais m’en propose un à la vente. Il a bien vécu, mais il me laisse le tester quelques temps avant que je ne prenne une décision. Presque 10 ans plus tard, cet appareil est toujours avec moi pour faire une pellicule de temps en temps.

Tableau des avantages et inconvénients de l’exploitation posthume

AvantagesInconvénients
Valorisation d’un talent méconnuExploitation commerciale sans consentement
Contribution à l’histoire de la photographiePossible non-respect des souhaits de l’artiste
Inspiration pour les générations futuresAbsence d’un cadre légal clair

Conclusion : et vous, qu’en pensez-vous ?

L’histoire de Vivian Maier est aussi fascinante qu’ambiguë. D’un côté, sa reconnaissance posthume lui a offert une place méritée dans l’histoire de l’art, et son travail continue d’inspirer des générations. De l’autre, la question de l’éthique et de la légitimité de l’exploitation de son œuvre reste un sujet de débat. Je suis moi-même partagé entre les deux.

Alors que pensez-vous ? Était-il juste de dévoiler son travail ou aurait-il fallu respecter sa vie privée ? Vous pouvez partager votre avis en commentaire ou participer au débat en ligne. Vivian Maier restera à jamais une figure incontournable de la photographie, mais son histoire soulève des questions qui dépassent le simple cadre artistique.

Si vous souhaitez approfondir cette réflexion ou découvrir son œuvre, n’hésitez pas à explorer les expositions ou les publications dédiées à Vivian Maier. Ses photographies sont une véritable fenêtre sur une époque et un témoignage intemporel de la vie humaine.

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